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Des changements dans le droit de la succession vont entrer en vigueur le 1er septembre prochain.

Un peu plus de 30 000 testaments ont été inscrits au registre central des testaments au cours du premier semestre 2018. C’est 12% de plus qu’à la même période l’année précédente.

Cette évolution n'étonne pas le notaire Marc Van Beneden, interrogé sur La Première : "La presse, la radio et la télévision ont parlé de ça, et donc les gens se sont interrogés.

C’est important de faire un testament si on veut que cela soit autre chose que la loi qui s’applique. Chacun doit réfléchir à sa situation. Moi je rencontre beaucoup de clients, on discute d’un certain nombre de choses et on a un plan. On est tous d’accord, l’épouse, l’époux, tout le monde est d’accord. Et puis je ne les vois plus pendant plusieurs mois et j’ai le conjoint qui vient pour m’annoncer qu’il est mort, et on n’a rien réalisé. Cela fait peur à certaines personnes de régler sa succession.

On a l’impression que faire son testament vous rapproche de la mort. Je pense que tous ces changements font en sorte que les gens réfléchissent maintenant plus et fassent front.

C’est leur volonté qui doit s’appliquer.

Réserve des parents

Le premier gros changement c'est qu'on "supprime les réserves des parents qui avaient droit à un quart et un quart. Supprimer cette réserve ne jouait que si on n’avait pas d’enfants, donc ça revenait aux parents. Maintenant, on peut faire ce qu’on veut. Par contre, pour les enfants, ça change dans la mesure où la réserve est toujours de 50%, qu’il y ait un enfant, deux enfants, trois enfants ou dix enfants. Mais ça veut dire que le futur défunt a à sa disposition un peu plus de 50% quand on a deux-trois enfants pour en faire ce qu’il veut, pour avantager l’un ou l’autre. Qu’est-ce que nous constatons ? C’est que la famille traditionnelle, bien sûr qu’elle existe encore, mais nous avons souvent face à nous des gens qui se sont mariés une fois ou deux fois, qui ont des enfants d’un premier lit, qui ont des enfants éventuellement d’un second lit, ils ont de bons contacts avec l’un et peut-être de bons contacts avec l’autre. Et tout ça fait en sorte qu’on veut avantager l’un ou l’autre. Ces réserves donnent donc un peu plus de possibilités. Vous savez que dans les pays anglo-saxons, on donne tout à un étranger, il n’y a pas ces réserves. Ce sont nos habitudes. Je pense que ça choquerait. Regardez Johnny Hallyday, ça choque énormément de gens. Beaucoup de gens viennent m’en parler : 'Ce n’est quand même pas juste que les enfants du premier lit ne reçoivent rien du tout'" poursuit le notaire, interrogé dans Jour Première.

"Je pense qu’on se rend compte que ces réserves telles qu’elles étaient instituées bloquaient un peu les choses, qu’elles faisaient en sorte que le défunt devait agir contre ces dispositions, et donc donner de son vivant ou donner en 'stoemelings', comme on dit. Donc je pense que c’est une bonne chose. Attention, ces 50% dont on peut disposer, il faut faire un testament pour dire : 'Je lègue ces 50% à une bonne œuvre, ou à un de mes enfants'. Il faut le mettre, sinon le partage se fait comme ça se faisait avant" précise-t-il.

Index

Autre grand changement, il concerne les biens légués de notre vivant ou par testament : "Je vais commencer par vous donner un exemple que j’ai vécu. Un client a un fils et une fille. Il donne un immeuble de 250 000 euros à sa fille, bravo, et quelques années après, il donne une somme de 250 000 euros à son fils pour contrebalancer. Youpi, tout va bien ! Sauf que les anciennes dispositions disaient que l’immeuble devait être revalorisé au jour du décès, tandis que l’argent qu’on donnait, on le reprenait au montant nominal tel qu’il existait au moment de la donation. Donc, dans ce cas que j’ai vécu, l’immeuble de 250 000 euros, au moment du décès de mon client, il valait 450 000. Par contre, les 250 000 étaient rapportés. Donc, ça veut dire qu’entre les deux, il y a eu une injustice. Et qu’est-ce qu’elle a fait la fille avec ses 250 000 euros ? Elle a aussi acheté un immeuble. Donc, vous allez me dire qu’il faudrait revaloriser cet immeuble-là. Nenni. On devait donc partir de cette situation. Maintenant, le grand changement, c’est que tant les donations d’immeubles que les donations de meubles — de l’argent, des titres ou des actions de sociétés — on les indexe au jour du décès, c’est tout. Donc, j’ai fait cette donation il y a 10 ans, le montant sera revu, mais simplement indexé. Il n’y a pas de revalorisation de l’immeuble ou des actions de sociétés. Les actions de sociétés peuvent être problématiques parce que ce sont des montagnes russes, elles peuvent être au plus haut ou au plus bas. Et en fait, là où les notaires chipotent un peu, c’est que la nouvelle loi dit : 'OK, on revalorise tout en indexant, sauf quand on donne avec réserve d’usufruit'. Donc, si je suis un chef d’entreprise, je donne mes actions à mon fils parce qu’il travaille avec moi et je donnerai autre chose à ma fille, mais ces actions, je veux quand même en garder l’usufruit pour avoir les dividendes ou que sais-je? Ces actions seront revalorisées dans la valeur au jour de mon décès. C’est l’exception de la loi. Cette donation avec réserve d’usufruit, il y a une revalorisation de cette manière".

Pacte successoral

Il y aura enfin la possibilité d’établir des pactes successoraux: "C’est un acte posé avec le futur défunt et ses héritiers, en disant : 'Toi, je t’ai donné une rente, toi, je t’ai donné la possibilité d’avoir un immeuble, etc. Donc voilà, on met tout ça à plat et j’estime que c’est équilibré ou pas'. L’un devra payer à l’autre. Donc c’est plus sain, mais on a voulu protéger absolument les enfants et il faut éventuellement l’intervention d’un autre juriste. C’est assez compliqué" conclut le notaire.

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