La flexibilité offerte par le nouveau code des sociétés propose un menu pléthorique aux entreprises familiales. Leurs statuts peuvent quasiment être rédigés sur mesure.

Le nouveau code des sociétés ne prévoit rien de spécifique pour les entreprises familiales. Mais vu qu’il comprend des règles beaucoup moins contraignantes, en particulier en ce qui concerne les SRL, il accorde une grande liberté aux entreprises familiales, qui peuvent décider de leur organisation et de leur gouvernance en fonction de leurs besoins spécifiques, explique Robbie Tas, associé au cabinet d’avocats louvaniste Intui, qui a participé à l’élaboration de la nouvelle loi. Tas cite quelques exemples d’entreprise familiale pour qui les nouvelles règles sont pain bénit.


Un seul actionnaire suffit


Désormais, un actionnaire unique suffit pour créer une SA ou une SRL. Il n’est plus nécessaire de céder une ou plusieurs actions à son conjoint, un membre de la famille ou une autre personne de confiance. Cela évite également des problèmes ultérieurs éventuels dus à la présence d’un autre actionnaire.


Il était déjà possible de créer une SPRL unipersonnelle, mais les restrictions qui s’appliquaient disparaissent. Un entrepreneur peut désormais créer seul plusieurs SA. Et l’unique actionnaire ne doit plus obligatoirement être une personne physique. Les personnes morales (sociétés) peuvent être le seul actionnaire d’une SA ou d’une SARL.


"Cette mesure encouragera les entrepreneurs à travailler dans le cadre d’une SA ou d’une SRL", poursuit Robbie Tas. "Car ces sociétés ont une responsabilité limitée et leur forme permet de séparer les biens propres de l’entrepreneur des actifs de l’entreprise."


Equilibres garantis


Il devient également possible de créer différentes catégories d’actions. Cette option était déjà prévue dans la SA et dans la société coopérative.


Une entreprise se trouvant aux mains d’une famille composée de trois branches peut par exemple créer des actions spécifiques pour chacune des branches: des actions A pour la première branche, des actions B pour la deuxième, et des actions C pour la troisième. "Il peut ensuite être décidé que les détenteurs de chaque type d’action ont le droit de nommer deux administrateurs", explique Robbie Tas. De cette manière, les équilibres entre les différentes branches de la famille sont garantis au sein du conseil d’administration.


Dans une SRL, la transmission d’actions est en principe limitée, sauf entre actionnaires existants. Mais on peut aussi prévoir dans les statuts que cette transmission d’actions ne vaut qu’entre les détenteurs d’une même catégorie d’actions, c’est-à-dire au sein de la même branche familiale. Cette liberté peut être limitée davantage encore dans le cadre d’un pacte d’actionnaires. "Tout peut être prévu dans les moindres détails", précise Robbie Tas.


Verrouillage du contrôle


Une nouveauté importante dans la SA et la SRL, c’est la possibilité d’octroyer plusieurs droits de vote par action, de manière illimitée, sauf pour les sociétés cotées en Bourse. Un entrepreneur familial peut donc accueillir d’autres actionnaires avec qui il partagera les bénéfices tout en conservant le pouvoir dans son entreprise.


Les sociétés cotées en Bourse sont cependant soumises à certaines restrictions: leurs statuts ne peuvent accorder qu’un maximum de deux droits de vote par action, à condition qu’elles soient détenues par les mêmes actionnaires pendant au moins deux années consécutives. Cette mesure devrait convaincre des entreprises familiales à entrer plus rapidement en Bourse, car elles ne devront plus renoncer au contrôle de leur entreprise.


Une autre façon de conserver le contrôle de son entreprise consiste à se faire nommer administrateur statutaire unique, un poste quasiment inamovible.


Le modèle de gestion qui prévoit un administrateur non révocable disposant également d’un droit de veto sur les décisions prises par l’assemblée générale des actionnaires (comme la répartition des bénéfices ou un changement des statuts) – et qui n’était jusqu’ici possible que dans la société en commandite par actions (qui disparaît) – peut désormais être transposé dans une SA.


Génération suivante


Les droits de vote multiples sont aussi un instrument intéressant pour organiser la transmission d’une société à la génération suivante, explique Robbie Tas.


Un entrepreneur peut transmettre à ses enfants une grande partie des actions de son entreprise ainsi que les droits associés, tout en conservant le contrôle.


L’inverse est également possible: un entrepreneur peut abandonner le contrôle de sa société à ses enfants – ou à un tiers – tout en conservant la majeure partie des droits patrimoniaux.


De nombreuses combinaisons sont possibles. Par exemple, un entrepreneur qui a trois enfants peut transmettre ses actions de manière égale à chacun de ses enfants, mais confier un paquet d’actions avec droits de vote multiples au fils ou à la fille appelé(e) à diriger l’entreprise.


Sortie facilitée


Un problème récurrent dans les entreprises familiales: la sortie d’un ou plusieurs actionnaires, par exemple de la deuxième ou troisième génération. Les autres actionnaires devaient dans ce cas racheter ces actions, mais ne disposaient pas toujours des moyens financiers et devaient chercher un autre actionnaire potentiel. De plus, la fixation du prix restait une question délicate.


Une solution a été trouvée: il devient possible dans la SA ou la SRL que cette sortie se fasse via une démission à charge du patrimoine. L’actionnaire qui sort reçoit alors une somme d’argent. Cette option peut être prévue dans les statuts, ainsi que la formule qui sera appliquée pour le calcul de la valeur d’une action.


Il faut cependant veiller à ce que la sortie d’un actionnaire à charge de l’entreprise ne menace pas l’équilibre financier de celle-ci.

La suppression de la limite de 20% pour le rachat d’actions propres facilite également la sortie d’un actionnaire.


En cas de buy-out


Il peut arriver qu’une société soit reprise par un des actionnaires ou par le management, voire une tierce partie. Il est alors courant que les charges liées au financement de la reprise soient en partie imputées à l’entreprise elle-même sous forme de crédits, de garanties, etc.


La loi le permettait, moyennant le respect de conditions très strictes. Le conseil d’administration de la société reprise qui prenait les frais à sa charge en portait la responsabilité et était tenu de le justifier dans un rapport circonstancié devant être publié au Moniteur belge.


Cette obligation de publication – y compris le montant du rachat – en effrayait plus d’un. C’est pourquoi la nouvelle loi a assoupli cette règle: la publication n’est plus obligatoire, et s’il s’agit d’une SA, le rapport doit uniquement être déposé au greffe du tribunal de l’entreprise.


Résolution à l’amiable


Le nouveau code des sociétés offre aux entreprises familiales plusieurs options permettant de résoudre des conflits – le plus souvent entre actionnaires – à l’amiable.


Les actionnaires peuvent prévoir dans les statuts la procédure qui sera utilisée en cas de litige, par exemple si un actionnaire souhaite partir en claquant la porte, ou si l’on souhaite se séparer d’un actionnaire qui bloque le développement de la société.


Par ailleurs, souligne Robbie Tas, si un dossier conflictuel se retrouve malgré tout devant les tribunaux, plusieurs aspects peuvent être combinés en un seul dossier. Parallèlement à la procédure principale qui porte par exemple sur l’exclusion d’un actionnaire, d’autres problèmes peuvent être traités, comme la liquidation d’un compte courant, des garanties financières en cas de découverte ultérieure de cadavres dans le placard, etc. "C’est beaucoup plus efficace, et permet de trouver une solution globale à un ensemble de problèmes", conclut Tas.